At a wildboar’s height
Le paysage sous influence de la pratique du pistage
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Landscape under the influence of animal tracking
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FR
La hauteur du sanglier est le point de vue qu’emprunte Mathieu Lion pour suivre les traces des mammifères sauvages dans la campagne. Dans la végétation dense, son corps de bipède devient inadapté. Il lui faut se baisser, affronter les branchages et les épines, adopter une autre silhouette. En pistant les animaux, le photographe se projette dans un autre corps, une autre perception du territoire, et accède progressivement à l’envers du paysage* : un monde habité, imprévisible, qui se cache dans les interstices sauvages.
Il découvre, en pénétrant à pas comptés, les plis d’un territoire trop longtemps contemplé comme un tableau lisse, une toile peinte décorant
l’arrière-plan des aventures humaines.
* l’expression est de Charles Stépanoff
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ENFR
La hauteur du sanglier est le point de vue qu’emprunte Mathieu Lion pour suivre les traces des mammifères sauvages dans la campagne. Dans la végétation dense, son corps de bipède devient inadapté. Il lui faut se baisser, affronter les branchages et les épines, adopter une autre silhouette. En pistant les animaux, le photographe se projette dans un autre corps, une autre perception du territoire, et accède progressivement à l’envers du paysage* : un monde habité, imprévisible, qui se cache dans les interstices sauvages.
Il découvre, en pénétrant à pas comptés, les plis d’un territoire trop longtemps contemplé comme un tableau lisse, une toile peinte décorant
l’arrière-plan des aventures humaines.
* l’expression est de Charles Stépanoff
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The wildboar’s height is the vantage point Mathieu Lion adopts to track wild mammals through the countryside. In the dense undergrowth, his bipedal body becomes ill-suited to the task. He must crouch, push through branches and thorns, and take on a different silhouette. By following animal tracks, the photographer projects himself into another body, another way of perceiving the land—gaining access, little by little, to the landscape’s hidden side : a world that is inhabited, unpredictable, and tucked into wild interstices.
Step by careful step, he uncovers the folds of a territory too long regarded as a smooth tableau, a painted backdrop to human stories.
Inspiré par l’approche de mon amie Léna en photographie animalière, j’ai commencé à placer mon appareil très bas sur le trépied, « à hauteur de sanglier », alignant l’objectif avec leur ligne de regard. Je pliais les genoux, me rapprochais du sol, et m’aventurais dans les broussailles épaisses où les animaux sauvages trouvent refuge durant la journée.
Je photographiais la nuit, à partir des premières lueurs de l’aube jusqu’au lever du soleil. Je voulais que la série se déroule dans cet entre-deux, entre l’activité nocturne des animaux sauvages et le début du quotidien humain. Mon appareil photo hybride, doté d’un capteur très sensible, est devenu un outil essentiel. Il me permettait de me déplacer et de capter des images dans la pénombre, un peu comme un sanglier perçoit son environnement. L’appareil devenait alors un œil prothétique, traduisant en images mon expérience de « pisteur » de sangliers.
La plupart des photographies de cette série ont été réalisées lors de résidences artistiques en milieu rural, en Normandie. Ces séjours prolongés loin de la ville m’ont permis de vivre le temps et l’espace autrement, et d’approfondir ma compréhension de la vie à la campagne. Je lisais des philosophes et anthropologues remettant en question notre conception de la “nature”, et j’ai choisi d’imiter la démarche des sciences humaines. J’ai alors rencontré des personnes que je n’aurais sans doute jamais croisées autrement, issues de tous horizons. Qu’ils soient fortunés ou modestes, très ancrés dans la terre ou non, tous avaient des ressentis vifs et des opinions marquées sur notre rapport aux animaux sauvages. Ces échanges ont enrichi ma vision des relations entre humains et nature, et ont profondément influencé mon travail photographique.
Le sanglier, à la fois emblème et sujet de controverse dans notre monde contemporain, est au cœur de ce projet car il incarne un double parcours : l’un vers les zones les plus sauvages du paysage rural, l’autre à travers les territoires du quotidien, là où se rejoue sans cesse la question éthique du vivre-ensemble entre humains et autres espèces.
Inspired by my friend Lena’s approach to wildlife photography, I began setting my camera low on the tripod, "at a wild boar's height," aligning the lens with their eye level. I bent my knees, drew closer to the ground, and ventured into the dense undergrowth where wild animals find shelter during the day.
I photographed at night, starting just before dawn and stopping with the first light of sunrise. I wanted the series to unfold between the nocturnal activities of most wild animals and our human daily life. My hybrid digital camera, with its highly sensitive sensor, became an essential tool, allowing me to navigate and capture images in low light, much as a boar might experience its surroundings. The camera became a prosthetic eye, enabling me to translate my experience as a boar “tracker” into imagery.
Most of the photos in this series were taken during artist residencies in the Normandy countryside. These extended stays away from the city gave me the opportunity to experience time and space differently and to deepen my understanding of rural life. I read philosopher and anthropologist questioning our idea of “nature”, and decided to imitate the methodology of human science searchers. Then, I met people I might never have encountered otherwise, from all walks of life. Whether wealthy or of modest means, deeply connected to the land or not, everyone I spoke with had vivid feelings and strong opinions about our relationship with wild animals. These conversations enriched my perspective on human interactions with nature and profoundly shaped my photographic work.
Wild boars, both emblematic and controversial in today’s world, are the focal point of this work because they represent a dual journey: one leading into the wildest parts of the countryside and another traversing the everyday rural landscapes where the ethics of coexistence between humans and other species are continually challenged.
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Documentaire audio (écoute au casque dans l’exposition) | Audio documentary (into individual mobile headphons for the exhibition)